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Le 1 juillet 2021

Olivia, un rêve de fille

Pierre Duquesne, journaliste, a animé en avril et mai des ateliers d’écriture à l’association la Passerelle (Vaux-le-Pénil), avec l’aide de l’équipe. 10 résidents ont couché par écrit des récits sur leur vie, leurs préoccupations, leurs rêves.

Nous vous invitons à découvrir le texte d’Olivia*.

Olivia a défilé sur les Champs-Elysées, armes à la main. Elle a campé dehors, appris à lancer des grenades. Elle s’est battue pour des rations «pas vraiment bonnes». Quatre mois sous les drapeaux ont redonné confiance à cette fille de 24 ans à la jeunesse chaotique, bien plus difficile qu’un simple parcours du combattant.

Mon rêve, c’était d’entrer dans l’armée. à la Mission locale, une personne m’a dit que je ne réussirais pas le concours. Elle ne croyait pas en mes capacités physiques. Elle devrait être là pour aider les gens, pas pour les rabaisser ! J’ai passé le concours, et je l’ai réussi. J’étais prise dans l’armée de terre. C’était un beau cadeau, trois jours après mon anniversaire. Parachutiste ou régiment de train ? J’ai choisi le 516e régiment du train.

J’ai fait les classes, pendant quatre mois. On était six filles et trente-six hommes. J’étais contente, et surprise : je n’étais pas la seule fille ! Je pensais que c’était un métier d’hommes. Sur les 42 du départ, on a fini à 32. Une seule fille a abandonné, parce qu’elle a été piquée par une tique. Neuf garçons ont jeté l’éponge. Ils trouvaient ça trop dur.

Faire ses classes, c’est apprendre à être soldats. Je l’écris au masculin, parce qu’au pluriel le masculin l’emporte sur le féminin. Mais sur le terrain, on était tous égaux. Tous logés à la même enseigne, fille comme garçon. Les gradés ne faisaient pas de différences. On était tous habillés pareil. Tenue kaki, pour les filles comme pour les garçons.

C’était génial de vivre et de travailler dehors. J’ai appris à tirer avec un Famas et lancer des grenades. à utiliser une boussole sur le terrain. Nous avons appris à nous défendre. On se bagarrait aussi pour des lasagnes, les autres rations n’étaient pas vraiment bonnes. On dormait dehors, en faisant des tentes avec nos bâches. J’ai appris à identifier tous les véhicules de l’armée et l’alphabet militaire, les codes pour communiquer à la radio.

Nous avons défilé à Paris jusqu’à la tombe du soldat inconnu, sur les Champs-Élysées. C’était top. Tout le monde nous regardait défiler avec notre Famas.

J’étais fière.

Le maquillage, on apprenait à se camoufler avec, pour se cacher. On faisait des gardes de nuit avec nos Famas. On n’avait pas le droit de s’en séparer. L’instructeur nous disait de lui donner un nom, et puis il ajoutait : « Votre Famas, c’est votre deuxième femme! » Moi, je l’ai baptisé Loïc. Un soir, on devait faire un parcours du combattant, dans le noir, le plus rapidement possible. Mon équipe est arrivée première.

Quant à moi, j’ai obtenu mon grade de première classe. J’ai prouvé que j’en étais capable. J’avais 21 ans. Maintenant, je fais mon lit au carré, tous les matins. Même si j’ai été obligée d’arrêter l’armée pour des problèmes de santé, cette expérience m’a permis aussi d’avoir un peu plus confiance en moi. Je sais, désormais, que je peux aller au bout des projets que je veux faire.

Mon objectif ? Travailler dans la sécurité privée, et ensuite, attaquer le concours pour entrer dans la police. Au Forum de l’emploi, au stand de la police, les recruteurs m’ont dit qu’il n’y avait que 20 % de femmes environ au sein des forces de l’ordre. Ils ont aussi des postes adaptés pour les personnes ayant un dossier MDPH. Il n’y a pas d’âge, non plus, pour entrer dans la police.

En septembre, je commence une formation en agent sécurité privée. Dans dix ans, je serai policière dans la BAC.

Olivia

* le prénom a été modifié