C’est à Habitat Jeunes Béthanie (Lille), que le journaliste Pierre Duquesne a été en juin à la rencontre de résidents pour animer des ateliers d’écriture et recueillir leurs témoignages.
Nous vous invitons à découvrir le texte de Kiukiu.
KiuKiu (c’est son pseudo) voulait raconter comment elle a dû prendre, à 15 ans, un nouveau départ, contrainte et forcée. L’abandon par sa mère, la sensation d’un grand vide, se retrouver chez une inconnue après avoir connue la vie confortable en République démocratique du Congo, devoir tout recommencer. Heureusement, il y a sa sœur jumelle, et la France.
Commençons par le début… Je m’appelle Kiukiu, j’ai 18 ans et je suis jumelle. Je suis actuellement en bac pro Accueil, dans un mois je vais enfin décrocher mon diplôme. La majeure partie de ma vie je la passe avec ma jumelle, la plupart des décisions je les prends avec ma jumelle enfin bref, ma jumelle c’est toute ma vie.
Nous aimons chanter, danser et délirer, un peu comme tous les autres jeunes, mais nous ne sommes pas comme d’autres jeunes. Nous sommes Kiukiu et Duni.
En RDC, je vivais une enfance calme, joyeuse et normale. Je vivais avec ma sœur et ma mère. A la maison, il y avait des femmes de ménages et des employés de maison. Oui, notre niveau de vie au pays était assez élevé, je dirais même très confortable. Je ne faisais pratiquement rien à part aller à l’école et être sage.
Le 15 Novembre 2019, alors que je revenais d’un petit séjour chez ma meilleure amie, je trouve ma mère, dans le salon, qui m’annonce une superbe nouvelle : un voyage en Belgique.
Nous commençons donc les préparatifs du voyage. Le 20 Décembre 2019, j’ai 15 ans et nous arrivons en Belgique et sommes logées chez une copine de ma mère. Nous ne la connaissons pas trop, ma mère ne nous parlait pas d’elle. Nous passons des bonnes vacances jusqu’au jour où en se réveillant je me rends compte que ma mère a dû partir et son amie qui devait nous prendre en charge, ma jumelle et moi, commence à nous torturer. Nous décidons donc de nous enfuir.
Après ce changement brutal, la France nous accueille. Nous arrivons dans le territoire français où l’État, et un foyer pour jeunes mineures abandonnées nous prend en charge. Depuis, nous avons passé plusieurs étapes administratives comme personnelles, tristes comme joyeuses. Aujourd’hui j’ai 18 ans et je gère seule ma vie, mes études et mes démarches professionnelles. Comment le dire ? Je viens de loin. Merci à la France ainsi qu’aux personnes qui m’entourent, grâce à vous j’arrive à compléter ce grand vide de ma vie et avancer la tête haute.
Kiukiu