Dès lors que l’on parle des jeunes, en chaque rentrée, ce sont les étudiants qui occupent les esprits, les discours et le paysage médiatique. En l’occurrence, la FAGE et l’UNEF, dans leurs rapports annuels respectifs, ont alerté mi-août sur une hausse sans précédent du coût de la vie des étudiants pour la rentrée universitaire. Le réseau Habitat jeunes, qui accueille 16% de scolaires et étudiants en son sein, partage les inquiétudes relayées par les syndicats étudiants. Néanmoins, on oublie trop souvent que la très grande majorité des jeunes de moins de 25 ans ne sont pas étudiants et que la période est compliquée pour tous les jeunes. Jeunes actifs, en recherche d’emploi, apprentis, jeunes en parcours d’insertion, intérimaires, contrats précaires, stagiaires sont en cette rentrée également en recherche de logement. L’Union nationale pour l’habitat des jeunes (Unhaj) accueille chaque année 200 000 jeunes de 18 à 30 ans et en loge 90 000 dans son réseau.
Majeurs civilement, mineurs économiquement et socialement
La jeunesse est construite et rythmée par différentes « majorités » : à 16 ans, fin de l’obligation scolaire ; à 18 ans, majorité civile et pénale ; à 25 ans, majorité sociale avec notamment l’ouverture du droit au revenu de solidarité active (RSA). Les jeunes de 18 à 25 ans sont rattachés par défaut à la sphère familiale. Les parents ont une obligation alimentaire envers leurs enfants majeurs, et les aides sociales que les jeunes perçoivent sont sous condition de
ressources des parents. Pour l’Unhaj, ce système de politiques sociales familialistes renforce les inégalités socioéconomiques entre les jeunes et repousse l’âge de la réelle autonomisation de la jeunesse.
Les jeunes travailleurs sont les oubliés du système de protection sociale
S’il est difficile de proposer une définition univoque et complète de ce que recoupe « la jeunesse », certains dénominateurs communs rassemblent de nombreux jeunes, parmi lesquels l’expérience de la précarité. Un jeune sur trois entre 18 à 24 ans qui a quitté le domicile familial est en situation de pauvreté, et ce taux monte à un sur deux pour les jeunes ni en étude ni en emploi. 10 % de ces jeunes touchent moins de 365 € par mois. L’arrivée dans l’âge adulte se traduit par une succession d’emplois peu rémunérateurs et peu valorisés ainsi que de périodes d’exclusion de tous droits sociaux, sans que n’existent des aides socles comme le RSA pour les soutenir. Mal connue et banalisée, considérée comme un passage social obligé, la pauvreté des jeunes est pourtant une réalité alarmante. Ces dernières années, la baisse des APL, la baisse des bourses, la précarisation des emplois particulièrement marquée chez les jeunes et le taux de chômage supérieur à celui de la population générale ont encore dégradé les conditions de vie des jeunes. Des dispositifs dérogatoires ont certes été créés, tel le Contrat d’engagement jeune (CEJ), mais sa mise en œuvre est trop restrictive pour lutter efficacement contre la pauvreté des jeunes.
Des propositions de réponse des collectivités territoriales et des associations
Face à ces constats et afin de pallier les manquements de l’État, des collectivités locales et des associations proposent des dispositifs d’aide financière à destination des jeunes, aux modalités et ambitions diverses. Ces dispositifs ne sont ni des réponses satisfaisantes ni structurantes face à la précarité des jeunes. Leur éparpillement complexifie le système d’aide et crée de nouvelles inégalités : faiblesse des montants versés, courte durée de l’aide (généralement de quelques mois), conditions restrictives et inégales selon les personnes et les territoires, augmentation du non recours. L’Unhaj a récemment mené une étude critique sur ces différents « filets de sécurité » (plus ou moins efficaces) qui en atteste. L’Unhaj, comme de nombreuses associations, demande notamment de longue date que le RSA soit élargi aux 18-25 ans. Cette situation absurde et injuste n’a que trop duré. Au-delà de cette revendication, les jeunes doivent avoir les moyens de s’autonomiser, de se construire des forces individuelles et collectives pour faire face à l’adversité et trouver leur place dans la société, être acteurs à part entière de la vie politique et sociale. Revenu minimum suffisant et pérenne et logement abordable sont les conditions minimales de cette ambition. S’adresser politiquement et véritablement aux jeunes ce n’est pas seulement pour condamner leur abstention en période électorale ou pour calmer les esprits après des émeutes. C’est leur permettre de se construire un avenir. C’est concevoir une politique cohérente qui ne discrimine pas les jeunes en fonction de différents statuts administratifs (être ou ne pas être étudiant) mais qui les reconnait comme dignes d’estime et de droits au même titre que tous.