[Communiqué de presse du 21 décembre 2023]
Comme nombre d’acteurs de la solidarité et du logement, l’Unhaj condamne les mesures contenues dans la nouvelle loi « pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration » et se dit particulièrement inquiète de ses conséquences.
Les acteurs Habitat Jeunes logent et accompagnent de nombreux jeunes étrangers, en particulier des Mineurs Non Accompagnés (MNA) et anciens MNA devenus majeurs. De cette place, ils peuvent témoigner des parcours exemplaires de nombre d’entre eux : inscription dans des parcours d’apprentissage, de formation, implication dans la vie collective des résidences… Autant de chemins vers l’intégration que la nouvelle loi va désormais rendre impossibles.
« Sous réserve d’éventuelles censures par le Conseil constitutionnel, ce texte signe le recul des valeurs d’accueil et de solidarité de notre pays. Il bafoue cet héritage fondamental des Lumières qui voulait que les hommes naissent libres et égaux en droits. Au-delà des symboles politiques de son adoption et des mesures qu’elle porte, cette loi aura, à brève échéance et comme une onde de choc, des conséquences désastreuses sur le dynamisme économique et social de nos territoires. Car les jeunes issus de l’immigration qui y évoluent en sont aussi les forces vives. »
Claude Garcera, président de l’Unhaj
Les dispositions de la loi présagent d’ores et déjà de graves difficultés d’accès et de maintien des personnes étrangères dans le logement, y compris logement d’insertion. Si le bénéfice de l’APL ne fait pas l’objet des mêmes restrictions quant aux durées de résidence en France que les autres prestations sociales, il sera néanmoins limité aux personnes ayant un visa étudiant ou qui travaillent depuis au moins 3 mois.
Chacun sait que les jeunes en général vivent des situations précaires, avec des contrats de courte durée (CDD, intérim…) et des périodes d’inactivité subie. Qu’en sera-t-il de l’accès à l’APL des jeunes étrangers ? La perte du bénéfice de l’APL rendra impossible à ceux qui sont déjà logés de continuer à payer leur loyer et les condamnera donc à terme à l’expulsion, et elle empêchera ceux qui ne sont pas encore logés d’accéder à un logement.
Par ailleurs, plusieurs mesures viennent restreindre l’accès des anciens MNA à la régularisation de leur situation, même s’ils travaillent et font tout pour s’intégrer. Rappelons qu’aujourd’hui, selon un rapport sénatorial1, 93% des demandes de titres de séjour d’anciens MNA reçoivent une réponse positive. Les nouvelles conditions – prouver qu’ils n’ont plus de liens avec leur famille ou encore avoir un niveau de français suffisant – rendront beaucoup plus complexe l’obtention d’un titre de séjour. De plus, il ne sera plus possible de renouveler plus de 3 fois un titre de séjour portant la même mention. De fait, de nombreux ex-MNA, qui travaillent et sont insérés depuis plusieurs années, vont se retrouver en situation irrégulière, avec pour conséquence une perte de leurs droits. Enfin, les anciens MNA perdent, par la nouvelle loi, la possibilité d’un accompagnement jeune majeur s’ils sont sous le coup d’une OQTF. L’Unhaj considère cette mesure discriminatoire, car tout jeune sans soutien familial de moins de 21 ans devrait au contraire pouvoir bénéficier de cette protection comme le prévoit la loi « Taquet ».
Au coeur du débat depuis plusieurs mois, la régularisation des étrangers occupant des emplois dans des secteurs en tension et dans certaines zones sera à la main des Préfets. Il faudra avoir travaillé 12 mois au cours des 24 derniers mois et justifier d’une présence ininterrompue en France de plus de 3 ans. L’article 4bis précise « Dans l’exercice de sa faculté d’appréciation, l’autorité compétente prend en compte, outre la réalité et la nature des activités professionnelles de l’étranger, son insertion sociale et familiale, son respect de l’ordre public, son intégration à la société française et son adhésion aux modes de vie et aux valeurs de celle-ci ainsi qu’aux principes de la République ». Le mouvement Habitat Jeunes voit dans ces critères renforcés un frein évident à la régularisation qu’il réclame depuis longtemps pour les anciens MNA pris en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE).
Enfin, l’Unhaj s’inquiète fortement de l’avenir de l’Aide Médicale d’État (AME) qui doit faire l’objet d’une réforme ultérieure. Elle rejoint tous ceux qui voient dans sa remise en cause un déni d’accès aux soins et un grave problème de santé publique.
1 : Rapport d’information sur les mineurs non accompagnés, Sénat, Septembre 2021 : https://www.senat.fr/rap/r20-854/r20-8541.pdf